LA MAISON HANTÉE
ROMAN D’AVENTURE
ECRIT PAR BILAL BOUTEMINE ET MARIE DOUSSET
ET ILLUSTRÉ PAR BILAL BOUTEMINE
Un homme a fait autrefois, il y a trèèèèèèèèès longtemps, presque 200 ans, une trèèèèèèèèèèèès mauvaise action. Depuis lors, cet homme est condamné à errer dans la maison où il vivait en remontant de 175 ans. Ce mauvais sort ne s'interrompra que le jour où quelqu'un viendra le délivrer.
Or voici que, ce jour-là, des gens rentrent dans la maison...
Chapitre I
On visite la maison hantée
Voici l’histoire d’une fillette, d’un jeune garçon, d’une vieille dame, d’un chat, d’une chatte et de deux chatons qui, devant déménager, visitent quelques maisons.
Au cours de ces visites, ils passent devant une vieille demeure qui n’a pas l’air d’être habitée. Le jardin a de grands arbres, mais les mauvaises herbes ont tout envahi. Le portail du jardin est ouvert, la porte de la maison aussi. Et tous sont un peu curieux….
Alors, les uns derrière les autres, avec précaution, au cas où ils rencontreraient quelqu’un, ils entrent.
Mais à peine ont-ils tous passé la porte que celle-ci se referme brutalement. Et ils entendent la serrure se refermer.
- « Mon Dieu ! » dit la grand-mère, « que se passe-t-il ici ??? »
Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’un fantôme les a vus dans le quartier et les attend avec impatience !
Ne pouvant retourner en arrière, ils regardent devant eux. Ils n’ont pas fini d’être surpris !!! Devant eux il y a un escalier… en toile d’araignées !!
- « Comme c’est bizarre tout ça » dit la vieille dame. Elle pose le pied sur cet escalier, qui bien sûr se brise. Voici les chatons tout emmêlés : La chatte doit les lécher.
Puis, comme par magie, apparaît à la place un escalier en bois. Ouf !
Mais là encore, rien n’est normal : Dès que l’on pose le pied sur une marche, elle dit : « crac » ou « hou » ou « aïe » ou « cric » ! C’est comme si l’escalier tout entier parlait.
- «Trop bizarre» dit la petite fille, «miaou» disent le chat et la chatte, «miou-miou» disent les chatons qui ont un peu peur.
Courageusement tout le monde monte quand même l’escalier. Que faire d’autre ?
Et voila que tout à coup : « Boum », « boum », «boum » ! Ils franchissent le palier et entrent dans une chambre d’où semble venir le bruit. Il n’y a là qu’une grande et vieille armoire … Le bruit ne peut venir que de là.
- « Il faudrait l’ouvrir », dit le fils. Il ouvre avec prudence l’armoire : « Rien » dit-il. La vieille dame reprend :
- « Tu as bien regardé dans les coins, dans les creux ? »
Tout à coup le chat glisse la patte sur le côté du pied gauche de l’armoire : Et toute l’armoire se met à s’enfoncer progressivement dans le sol ! Et à sa place voici qu’apparaît un escalier ! Encore un… ! Celui-là descend.
Chapitre II
Où mène l'escalier mystérieux?
Tout le monde hésite : Que faire ? On n’y va pas dit la vieille dame. Cette maison me fait peur. Il faut qu’on trouve le moyen de ressortir. D’accord, disent les enfants. Et ils s’apprêtent à repartir. Mais soudain, ils se sentent tous poussés dans le dos par une force mystérieuse qu’ils ne voient pas. Les voici obligés de descendre dans cet escalier qui est dans le noir. Ils essaient de se tenir au mur pour ne pas tomber mais ils ne trouvent pas de mur… Heureusement leurs yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité. Mais ils ne peuvent pas voir la fin de cet escalier. Où les mène t-il donc ? Ils descendent, descendent, descendent toujours.
Tout à coup, le fils qui est le premier pousse un cri de douleur : il vient de se cogner brutalement contre une porte en vieux bois pourri qui se rompt. « Ça va mon p’tit ? » dit la vieille dame. « Oui », dit l’enfant, « je peux continuer ».
Ils se trouvent maintenant dans un salon, éclairé par un vieux lustre poussiéreux qui pend du plafond au milieu de toiles d’araignées en pagaille. Les vastes fauteuils et les canapés sont couverts de vieux tissus dont les couleurs sont toutes pâlies. Au milieu de la pièce, il y a une table ronde garnie d’un vieux tapis. Et dessus, il y a un coffre ancien, fermé avec une clé.
Tous s’approchent. La fillette soulève avec précaution le couvercle du coffre après avoir tout simplement tourné la clé dans la serrure. Dans le coffre, il y a un vieux parchemin qu’ils prennent avec précaution. Tout le monde se penche pour lire le parchemin que tient la petite fille.
C’est écrit = « au secours, au secours ! Délivrez-moi »
C’est signé = « le fantôme » et en dessous
C’est écrit = « (ne vous inquiétez pas – je suis gentil) »
- « Ben ça alors ! » dit la vieille dame
- « Ben ça alors ! » dit le fils
- « Ben ça alors ! » dit la fillette
(Ils disent cela tous en même temps)
La chatte réfléchit : « Je crois que c’est un piège ! » La vieille dame dit : « Oh ! Le pauvre fantôme ! Que pouvons-nous faire ?» Le fils, le chat, la fillette et les deux chatons sont perplexes et se grattent le menton.
C’est alors… qu’on entend un léger « toc- toc- toc » qui semble se rapprocher. Mais oui ! « Toc- toc- TOC» (de plus en plus fort). Maintenant c’est tout près d’eux et ils ne voient rien. Ils entendent seulement et ils sentent comme une odeur légère de moisissure.
- « Qui est là ? » demande la vieille dame.
Une drôle de voix, qui bêle un peu répond :
(Lecteur, avant de lire cette phrase, exerce-toi à bêler!)
- « C’est- è- è- è moi- oi-oi-oi, le fan- an- tô- ô- me – eu- eu… »
- « Et maintenant », poursuit la voix, qui tout d’un coup est devenue ferme et forte « vous allez faire ce que je dis, sinon vous ne ressortirez pas d’ici ! »
- « Oui monsieur » répond en tremblant la vieille dame. « Mais dites-nous d’abord qui vous êtes, sans cela, nous n’obéirons pas à vos ordres. »
Et le fantôme poursuivit: « D’accord ! Je suis un fantôme, emprisonné ici depuis très longtemps. »
Le fils dit : « Alors… c’est vous qui avez écrit le message du coffre ? »
Mais le fantôme se mit à ricaner.
(Lecteur, exerce toi encore un peu à bêêêêlééééer avant de parler pour le fantôme, parce que nous nous ne pouvons pas toujours écrire en bêlant)
- « Le message ? Ah ça non ! C’est un petit fantôme que je tiens en mon pouvoir. Et vous ne pouvez rien faire pour lui ! »
Le fils, la fille, la chatte, les chatons et la grand-mère sentent la colère monter en eux.
Vont-ils se laisser faire par ce méchant fantôme ? Il faut qu’ils réfléchissent au message laissé par le petit fantôme :
C’était écrit = « au secours, au secours ! Délivrez-moi »
C’était signé = « le fantôme » et en dessous
C’était écrit = (ne vous inquiétez pas – je suis gentil)
Chapitre III
Une histoire de fantôme...
Mais comment se débarrasser du vieux fantôme, qui lui, apparemment, n’était pas gentil du tout ?
- « Je crois, dit la fillette à l’oreille de son frère, qu’il faut faire parler le vieux : Il peut nous apprendre ce qui est arrivé au gentil petit fantôme…. »
Son frère lui répond en chuchotant :
- « Tu as raison, mais il ne voudra pas, puisqu’il ne veut pas qu’on s’occupe de lui !!! »
- « Tu vas voir, dit la fillette » (on sait que les filles sont très très malignes)
- « Oh monsieur le fantôme, nous sommes si contents de vous rencontrer. Vous pensez : un vrai fantôme ! Vous devez avoir une mission très importante dans cette vieille maison, et sûrement que le petit fantôme ne faisait pas ce qu’il fallait. Comme ce serait intéressant que vous nous parliez de vos immenses pouvoirs ! »
La grand-mère, la chatte et les chatons regardent la fillette avec admiration. Ils ont compris qu’elle cherche à faire parler le vieux fantôme en le flattant.
- « Oui », dit le fantôme, d’une voix qui montre qu’il est très fier… Tellement fier qu’il oublie complètement qu’on ne doit pas le voir.
(En effet, les vrais fantômes ne se voient pas, sauf quand ils se redressent et portent leurs mains à leur visage.)
- « Han…. !!!! » font-ils tous en même temps en découvrant l’aspect du fantôme, avec ses vieux draps froissés et usés, sa peau blanche et ridée, son visage tout fripé et sa longue, très longue barbe blanche, enfin… blanche partout sauf là où restent accrochées quelques toiles d’araignées, et au bout, car elle a ramassé la poussière de la maison…
La fillette et le garçon pensent en même temps qu’il faut continuer à parler et à flatter le fantôme, sinon il ne dira jamais ce qu’ils cherchent à savoir, et ils n’apprendront rien sur le petit fantôme.
- « Comment vous appelez-vous, monsieur le fantôme ? » demanda très poliment le garçon.
- « Je m’appelle Oscar Hubin » (prononcer en bêlant légèrement)
- « Et quel âge avez-vous ? » questionna la fillette à son tour.
- « J’ai 175 ans. Ce n’est pas trop vieux pour vous, petits galopins ? »
- « Oh non », répondirent les enfants, « au contraire ! Vous devez avoir vécu des aventures extraordinaires. Il a du se passer tellement de choses ici ! »
- « Racontez-nous qui vous étiez » dit à son tour la grand-mère qui trouvait que les enfants s’y prenaient très bien pour faire parler le vieux fantôme. Il fallait qu’ils aient tous l’air très intéressés. Même le chat, la chatte et les deux chatons avaient posé leur tête sur une de leur patte et semblaient écouter de toutes leurs oreilles.
- « Vous étiez sûrement un homme très important, beau, puissant, riche, intelligent et …très méchant ? », continue la vieille dame.
Les enfants frémissent : le fantôme va-t-il apprécier ce que leur grand-mère vient de dire ?? En fait, elle est maligne, la grand-mère ! Elle se rend bien compte que cet homme-là doit être fier de ses mauvais coups, et elle a raison, car il répond :
- « Eh, eh… tout à fait.. » Il se caresse la barbe d’un air satisfait, de ses longues mains maigres et pâles, aux ongles terriblement longs.
- « Le pire moment de ma vie a été ma mort ! Mais avant ça, j’étais très fort et très méchant, et cela me rendait fou de joie ! »
Il se met alors à raconter….
Chapitre IV
Le tailleur, l’apprenti et la petite fille
En fait, ce fantôme était un tailleur, il y a bien longtemps. Il faisait des costumes pour les gens. Il avait pour l’aider un tout jeune apprenti qui s’appelait Hugo Mayckeuve. Brave petit bonhomme qui devait travailler à longueur de journée, ramasser les morceaux de tissus, balayer les bouts de fils éparpillés partout, chercher de gros ballots de tissus trop lourds pour ses jeunes épaules, et surtout se faire battre sans raison, quand son maître en avait envie. Pour dormir, il devait se recroqueviller dans le petit placard sous l’escalier. Le matin, il était tout endolori…..
Voici qu’un soir, alors qu’Hugo commençait à s’endormir, il fut réveillé par des coups frappés à la porte de la maison. « Pan ! Pan ! Pan ! ». Son maître était en chemise de nuit, pantoufles et bonnet de nuit.
- « Qui est là ? »
- « Jean Crétois »
- « Ah bon ! »
Oscar Hubin ouvre la porte à un homme de grande taille, enveloppé dans une cape noire. Il a un œil caché par un bandeau, comme un brigand. D’ailleurs, c’est un brigand.
Hugo a entr’ouvert la porte de son placard juste assez pour regarder, sans que son maître ne s’aperçoive de sa présence. Il aperçoit aux côtés de l’homme une petite fille, de son âge à peu près, avec des longs cheveux bruns et de grands yeux noirs. Elle tremble. Elle a froid, et elle a peur. Le géant la tient fermement par le bras, et la pousse à l’intérieur.
- « Voici l’enfant. Tout s’est passé comme prévu. Il ne reste plus qu’à réclamer la rançon ! »
- « J’ai déjà préparé la lettre » dit Oscar qui referme la porte de la maison et se dirige vers un bureau. Il ouvre un tiroir et prend une enveloppe.
A l’intérieur, il y a une feuille de papier sur laquelle il a écrit en grosses lettres majuscules :
SI VOUS VOULEZ REVOIR VOTRE FILLE VIVANTE DEPOSEZ TOUTE VOTRE FORTUNE (= ARGENT - OBJETS PRECIEUX – BIJOUX) DANS LE TRONC CREUX DU VIEIL ARBRE, AU CARREFOUR DU GRAND GAROU, FORET DE LA LUNE NOIRE, EXACTEMENT A MINUIT, DANS DEUX JOURS. N’AVERTISSEZ PERSONNE. VOTRE FILLE VOUS SERA RENDUE AU MEME ENDROIT, A LA MEME HEURE DEUX JOURS APRES, SI NOUS LE VOULONS BIEN
SIGNÉ : LE FANTOME DE LA LUNE NOIRE
Chapitre V
Que va devenir la petite fille ?
La vieille dame, la fillette, le fils et la famille Chat écoutent avec horreur cette histoire que le vieux fantôme raconte comme si c’était tout à fait amusant.
La vieille dame intervient :
- « Pardon de vous interrompre, monsieur le fantôme. Vous n’étiez pas encore un fantôme à cette époque : Alors pourquoi avez-vous signé Le Fantôme de la Lune Noire ? »
- « Parce que j’aime faire peur aux gens ! »
Le garçon à son tour a envie de parler :
- « Pourquoi vouloir cette rançon ? Vous n’étiez pas assez riche ? »
Enfin, la fillette soupire et dit :
- « Pauvre petite fille ! Comme elle devait avoir peur ! Permettez moi de vous dire que vous êtes un monstre, monsieur le Fantôme ! »
- « Taisez-vous tous ! s’écria le fantôme. Sinon vous ne saurez rien de plus ! »
- « Ne vous énervez pas. Continuez je vous prie », dit la vieille dame.
Le fantôme est ravi de pouvoir continuer à raconter son histoire, car il espère bien que ces stupides visiteurs vont le délivrer du mauvais sort qui le retient dans ces lieux.
Reprenons donc : Ce fameux soir…..
Le jeune apprenti, derrière sa porte entr’ouverte, ose à peine respirer. Oscar Hubin, son maître, a pour le moment au moins, oublié sa présence.
Le méchant tailleur tend la lettre à Jean Crétois, en lui disant :
- « Accroche-la cette nuit à la grille du château de cette riche famille, là où tu as enlevé la fille. Ne perds pas de temps. »
- « Eh, dites donc, j’en ai déjà fait assez ! Je veux être payé ! »
- « Tu le seras quand nous serons devenus les plus riches propriétaires de la région, dit Oscar. Allez, dépêche-toi ! »
Jean Crétois repart en bougonnant dans la nuit. Oscar saisit la fillette et l’enferme dans un petit cagibi, tout près de celui où est caché Hugo. Celui-ci a refermé tout doucement sa porte et fait semblant d’être plongé dans un profond sommeil. Heureusement, car Oscar vient de réaliser qu’il était là, et vient vérifier qu’il n’a rien entendu !
Puis il remonte se coucher.
De son placard, Hugo entend la petite fille qui pleure doucement, juste de l’autre côté d’une mince cloison qui le sépare de son cagibi. Il attend assez longtemps, pour être sûr que son patron soit endormi. Il n’a pas à attendre trop longtemps : Les ronflements du maître se font entendre presque aussitôt. Hugo pense : « le malheur de la petite fille ne le dérange vraiment pas, celui-là ! »
Alors il se lève, ouvre doucement la porte de son placard, et se glisse sans bruit vers le cagibi où sont rangés les outils et les pièces de tissus du tailleur.
La porte est fermée à clé, bien sûr…
Il se met à parler tout doucement :
- « N’aie pas peur, petite fille. Je suis ton ami. Je m’appelle Hugo. J’ai douze ans et je suis l’apprenti de monsieur Oscar. Je vais t’aider à retrouver tes parents très vite. »
De l’autre côté de la porte, la petite fille a cessé de pleurer.
- « Comment t’appelles-tu ? »
- « Je m’appelle Amandine Rose Deschâteaux et j’ai huit ans. »
- « Dis-moi vite où tu habites. Je dois aller prévenir ta famille le plus vite possible pendant que le maître dort. Tes parents doivent être tellement inquiets ! »
La petite fille lui explique qu’elle habite au château, sur la colline, derrière le grand lac. Hugo a déjà vu ce magnifique château, entouré d’un parc et de hautes grilles.
- « Comment est-ce que je vais faire pour entrer dans le parc et aller jusqu’au château ? Tout doit être fermé à clé ! »
- « Passe par la gauche après la grande porte de la grille. Après tu arriveras à un petit bois. Il faut le traverser en longeant la grille du château. Tu arriveras bientôt à une petite maisonnette. C’est là qu’habitent Georges et Mina. Lui, c’est le jardinier, et elle c’est la gouvernante. Ils sont très gentils et s’occupent toujours de moi. C’est eux que tu dois aller voir. Ils t’amèneront jusqu’à mes parents dans le château. Mais fais attention : Le méchant Jean Crétois est sur le chemin ! C’est lui qui m’a enlevée alors que j’allais avec le cocher chez ma cousine Flore-Alisée. »
- « J’ai tout compris, dit Hugo. Ne t’inquiète pas. Je serai prudent. A très bientôt ! »
- « Oh merci Hugo ! A bientôt ! »
- « Toi aussi sois prudente. Oscar est un méchant homme. Pour l’adoucir, il faut le flatter. Il est tellement orgueilleux…. Ne l’oublie pas. Allez, j’y vais.»
Et c’est ainsi que Hugo s’en va tout doucement de la maison, au milieu de la nuit. Il a pris soin de bien refermer la porte à clé et a mis la clé sous un pot de fleurs. Il a juste pris une cape foncée, avec une capuche, qui le protégera du froid et le rendra moins visible sous la lune.
Chapitre VI
Une nuit pleine de dangers
Hugo se dépêche. Il y a du chemin à faire jusqu’au château. Il faut prendre le sentier qui se dirige vers la colline, puis contourner le lac. Il doit surtout faire attention de ne pas rencontrer Jean Crétois. Mais la lune éclaire bien le chemin, et le géant (comme il l’appelle) doit avoir encore plus de mal que lui à se cacher. Bientôt, Hugo arrive auprès du lac. Il le longe, tout en faisant bien attention de rester à l’abri des arbres. Le sentier se met peu à peu à monter. Dans les bois, on entend la chouette ou le hibou, et des branches qui craquent, de temps en temps. Hugo frissonne…..
Tout à coup, il entend un pas lourd sur le chemin. Il n’a que le temps de se jeter derrière un gros chêne. C’est Jean Crétois qui vient à sa rencontre, sans doute après avoir déposé la lettre sur la grille du château. Mais le géant ne l’a ni vu, ni entendu. « Ouille ! Je l’ai échappé belle ! » se dit Hugo.
Il attend sans bouger que le géant ait disparu au loin. Puis il reprend son chemin.
Bientôt, il aperçoit la masse du château qui se découpe sur le ciel éclairé par la lune. Devant, il peut distinguer la haute grille et le portail sur lequel Jean Crétois a du déposer la lettre d’Oscar Hubin.
« Voyons… qu’a dit la petite fille ? Longer la grille par la gauche et traverser le petit bois. C’est ça. Après, je devrais trouver la maisonnette. »
Effectivement, après avoir un peu marché encore dans le petit bois, tout en suivant la grille du château, Hugo voit devant lui la petite maison du jardinier et de la gouvernante. Une fenêtre est éclairée par une bougie. Les braves gens ne doivent pas dormir. Tout le monde doit savoir qu’Amandine Rose a disparu…
Il s’approche de la petite porte de bois et frappe.
- « Qui va là ? »
- « Je m’appelle Hugo Mayckeuve, et j’ai des nouvelles de la petite fille qui a disparu ! »
La porte s’ouvre. Devant lui se tiennent un homme et une femme qui le regardent avec attention. Hugo comprend qu’ils ne savent pas trop s’ils doivent lui faire confiance.
Alors, il leur raconte ce qu’il a vu et entendu.
- « Vite, allons prévenir au château ! Ils sont morts d’inquiétude, les pauvres parents ! »
- « Allez-y, dit le jardinier. Je vais jusqu’au portail chercher le papier laissé par ce bonhomme, et je vous rejoins ! »
Mina entraîne Hugo avec elle vers la grille du château, toute proche. Hugo découvre une porte dans la grille. Mina plonge la main dans la poche de son tablier et en tire une grosse clé. Elle sert à ouvrir cette porte par laquelle elle et son mari vont rejoindre le château où ils travaillent.
Mina pousse Hugo devant elle.
- « Vas, mon garçon, dépêchons-nous… Pauvre petite, toute seule dans ce cagibi ! »
Il est très, très tard, et Hugo qui se lève toujours très tôt, bien avant son maître, pour cuire le repas du matin, faire le ménage et préparer les étoffes, titube de fatigue.
Ils marchent sur une allée large, bordée de massifs de fleurs qui sentent bon.
Le château est maintenant là, devant eux. Les fenêtres du bas sont ici aussi éclairées par des bougies. Là non plus, personne ne s’est couché.
Georges les a rejoints. Il est tout essoufflé et tient dans sa main l’enveloppe que Hugo a déjà vue quand il observait la scène chez le tailleur.
Ils arrivent à la porte du château et tirent la cloche pour signaler leur présence. En même temps, ils entrent.
« Ne vous inquiétez pas, c’est nous, Georges et Mina ! »
Les parents d’Amandine Rose sont devant eux, pâles et angoissés.
« Qui est ce jeune garçon ? »
« C’est Hugo Maykeuve ! C’est grâce à lui que nous avons des nouvelles d’Amandine »
« Des nouvelles d’Amandine ?! Dirent les parents en même temps, raconte nous Hugo ! »
Et Hugo raconte… Quand il a terminé, on demande à George de lire le message d’Oscar.
Chapitre VII
Au Château
Le jardinier ouvre l’enveloppe et commence à lire. Quand il a fini, il dit avec un soupçon de frayeur :
- « Alors, ce n’était pas une légende? »
- « De quoi parles-tu ? Questionne Mina. »
- « Du fantôme qui apparaît à minuit les nuits de pleine lu… » Il fut interrompu par Hugo qui dit d’un petit air moqueur :
- Alors, vous croyez à cette histoire ? Mais c’est Oscar Hubin, le méchant tailleur qui vous fait croire à ce genre de chose, ce qu’il veut c’est effrayer les gens, menacer la vie de leurs enfants en échange de toute la fortune de ses proies.
- « Allons. Ressaisissons-nous », intervient le châtelain que nous allons appeler Albert Deschâteaux, car c’est son nom. Sa femme s’appelle Adèle, et Amandine Rose est leur seule enfant. « Il est évident que nous n’avons pas affaire à un vrai fantôme, mais quelqu’un qui est capable d’enlever une enfant pour de l’argent est un sacré mécréant ! Voyons, nous sommes trois hommes : Je te compte comme un homme Hugo, car tu as montré combien tu es courageux. Eux, ils ne sont que deux. »
- « Mais Jean Crétois est un vrai géant, et Oscar Hubin n’a absolument pas de cœur » dit Hugo. Je crois que nous ne serions pas assez forts face à eux deux… »
Mina alors intervient :
- « Vous savez, je n’ai l’air de rien, mais j’ai plus d’un tour dans mon sac, comme on dit, ou plutôt dans la grande poche de mon tablier. Vous pouvez compter sur moi ! Et puis, Georges, on pourrait appeler mon frère Antoine, le garde forestier : il est fort comme un taureau ! »
- « Excellente idée » dit Albert Deschâteaux. Allez le chercher vite, s’il vous plaît Georges !
- « J’y vais de ce pas, il n’habite pas loin d’ici. »
Georges sortit.
« Pendant ce temps là, réfléchissons à notre stratégie, dit Albert en se tournant vers Hugo. Et…… surprise !!!! Hugo s’est endormi, écroulé de fatigue sur le tapis !!
« Pauvre enfant ! Laissons le se reposer un peu. »
****
La grand-mère, la fillette, le garçon et la famille chats retiennent leur souffle. « Hhap ! »…
Et le fantôme continue de raconter…
****
Au château, quelques instants s’écoulent pendant lesquels tout le monde réfléchit, sauf Hugo qui dort à poings fermés.
Dans la maison du tailleur, tout semble calme. Amandine a fini par s’endormir, vaincue par la fatigue.
Mais bientôt Georges est de retour avec Antoine. En chemin, il lui a tout raconté. Et puis, chez Antoine, il se sont munis de tout ce qui pouvait leur être utile pour sauver Amandine : fusil, corde, hache. Albert Deschâteaux prend aussi l’un de ses fusils de chasse et en donne un à Georges. Tout cet équipement ne doit pas servir à tuer, bien sûr, mais pour menacer et aussi pour se protéger. Mina ne prend rien, mais on compte bien sur elle pour avoir de sacrées bonnes idées, car elle est très maligne. Et Hugo dans tout cela ?? Le voici justement qui ouvre un œil !
- « Ouaouhhh » ! Fait-il en voyant devant lui une véritable petite armée. « Moi, dit-il, je me contenterai d’un bon bâton ».
- « Tu trouveras cela dans la remise à bois » lui dit Georges qui lui indique l’endroit.
Voilà. Tout le monde se sent prêt à agir. Seule Madame Deschâteaux reste inquiète. Elle n’est pas assez forte pour accompagner la petite troupe et va se faire du souci toute seul au château pendant leur expédition… Quoique…
- « Ce n’est pas le tout, dit son mari. Comment procédons-nous ? »
- « Moi, j’ai une idée ! dit Hugo »
Il se pencha vers Georges et lui dit son idée dans le creux de l’oreille. Quand il eu fini Georges le félicita. Dis-le tout haut !
- « Je connais bien la maison, dit Hugo et je peux y entrer, car la clé de la grande porte est cachée sous un pot de fleur. En plus, il y a un escalier à l’extérieur qui débouche sur une petite pièce à l’étage où Oscar Hubin range des gros rouleaux de tissus. Sa chambre est juste à côté. Il faut que je commence par en trouver la clé qui doit être cachée en bas, dans le tiroir de la table de travail. Après cela, on pourra se répartir en deux équipes : les uns monteront à la chambre d’Oscar par l’intérieur, et les autres par l’escalier de dehors et par la petite pièce. Comme cela, il ne pourra pas s’échapper ! »
- « Excellente idée » ! dit une grosse voix derrière eux !
Tout le monde sursaute….
Jean Crétois était derrière eux !!!
- « Eh oui ! Tu croyais que je ne t’avais pas vu petite vermine ! Mais je t’ai suivi ! » Jean Crétois menaçait tout le monde avec un gros pistolet….
- « Ne bouge pas », dit une voix, douce mais ferme, derrière lui, « sinon je tire ! »
Jean Crétois se retourne, étonné. Il n’en faut pas plus pour que tous se précipitent sur lui : Antoine le jette à terre, Albert lui prend son arme, et Georges le maintient au sol pendant qu’Hugo et Antoine le ligotent fermement avec la corde.
Pendant ce temps, Mina est venue près de Madame Deschâteaux, toute tremblante et toute étonnée de ce qu’elle venait de faire.
- « Bravo, Madame ! Votre ruse nous a sauvés ! ». Madame Deschâteaux, bien sûr, n’avait pas d’arme !
Il faut toute la force des quatre hommes pour emmener le prisonnier jusqu’au cellier dont la lourde porte est refermée à double tour.
- « Parfait ! dit Georges. Au moins on n’a plus à se soucier de celui-là. Il est vraiment venu se jeter dans la gueule du loup ! »
Tout le monde se met à rire. Cela leur fait du bien !
- « Allons vite maintenant dit Albert, qui pensait à sa petite fille, seule dans cette maison avec ce brigand de tailleur. Partons vite !»
En chemin, ils se répartissent en deux groupes, sauf Mina qui doit entrer tout doucement avec Hugo dans la maison et se rendre auprès d’Amandine, ou du moins près du placard où elle est enfermée, pour la rassurer et éviter qu’elle ne fasse du bruit et n’alerte Oscar.
Hugo ressortira avec la clé de la porte du haut : Il montera par l’extérieur avec Georges pendant que Antoine et Albert prendront l’escalier à l’intérieur.
Pendant qu’ils marchent sur le sentier emprunté par Hugo presque deux heures plus tôt, Madame Deschâteaux se remet de ses émotions, ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à la situation. Que peut-elle faire de plus ? Rien d’autre qu’attendre ! Elle monte donc à sa chambre et s’allonge sur son lit. Ce qui la tracasse, c’est la signature du message que Jean Crétois a déposé au château de la part de son maître Oscar Hubin : Le « fantôme de la lune noire » ! Et tout à coup elle se souvient. C’est une histoire que l’on se racontait dans la famille, où il était question de ce fantôme. Oscar Hubin la connaissait donc, cette histoire de mauvais sort, et il l’avait utilisée pour leur faire peur ! Un très méchant homme avait, selon l’histoire, été condamné à errer, transformé en fantôme, sur les lieux de ses mauvais coups jusqu’à ce qu’il soit délivré par de très gentilles personnes qui avaient réussi à attendrir son cœur ! Mais qui donc lui avait raconté cela ?? Elle fit un effort de mémoire et…. Mais oui, la tante Morène ! Vivait-elle encore ? Elle devait être bien vieille…. Madame Deschâteaux résolut d’aller lui rendre une petite visite dès le lendemain, quand on aurait récupéré sa chère enfant. Puis elle attendit, incapable de dormir.
- « Oh là là ! » s’exclament la fillette, le garçon, et la grand-mère… !!!
Chapitre VIII
Le sauvetage
Notre équipe approche maintenant tout doucement de la maison du tailleur. Il ne s’agit pas de se faire repérer ! La lune est toujours là, dans le ciel, et autour de la maison, on n’entend que le bruit du vent léger dans les branches et le cri de quelques oiseaux de nuit. A quelques mètres de la maison, Hugo chuchote : « Je vais aller ouvrir la porte de devant et chercher la clé de l’autre porte, en haut de l’escalier… Madame Mina, vous venez avec moi ? Otons nos galoches, nous ferons moins de bruit. »
Le reste de la troupe les regarde s’approcher de la maison en marchant sur les touffes d’herbes pour amortir leurs pas. Tout doucement Hugo s’empare de la clé, l’introduit dans la serrure, heureusement bien huilée, ouvre, et pénètre avec Mina dans la maison sans qu’on ait pu entendre aucun bruit. Mina se poste comme prévu près du placard : En collant son oreille, elle entend le souffle de la petite qui semble dormir. « Tant mieux », se dit-elle !
Hugo de son côté a récupéré la clé de la pièce du haut, par laquelle ceux qui vont monter par l’extérieur pourront surprendre Oscar Hubin dans sa chambre. Puis il ressort, aussi doucement qu’il est entré et rejoint sans bruit ses compagnons.
- « Tu es un as » chuchote Albert Deschâteaux. « Bon, nous allons maintenant piéger ce bandit. Dis moi, Hugo, où se trouve la chambre du tailleur ? »
- « Elle est juste en face de l’escalier, au premier ».
- « Vous êtes prêt, Antoine ? Allons y doucement. Enlevons aussi nos souliers… C’est heureux qu’il y ait autant de mauvaises herbes dans cette cour ! Prenons soin de ne pas marcher sur les cailloux. »
L’autre groupe, c'est-à-dire Georges et Hugo, prennent les mêmes précautions pour atteindre l’escalier extérieur, sur le côté de la maison. Quelle chance pense alors Hugo, que le tailleur ait fait fuir son chien par ses mauvais traitements !
Georges et Hugo retiennent leur souffle en tournant la clé dans la serrure : Celle-ci est vieille et rouillée, et elle grince… Enfin, ça y est, on peut entrer. La pièce où ils pénètrent tous les deux est heureusement éclairée par la lune. Cela sent l’étoffe, la colle, le papier. Ils repèrent vite la porte qui donne directement sur la chambre d’Oscar, dont les ronflements sont rassurants. Au moins, il ne se doute de rien ! Et puis cela étouffe le bruit de leurs pas et celui d’Albert et d’Antoine qui doivent eux aussi s’approcher de la chambre !
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- « Cela suffit » ! dit tout à coup le fantôme ! « A quoi cela sert-il que je vous raconte tout cela. Partez d’ici ! Vous ne pouvez rien pour moi ! »
Sa voix vient de changer. Elle est moins dure…
- « Mais le petit fantôme ????? s’inquiètent les enfants !
- « Il n’y a pas de petit fantôme ! C’est moi qui ai écrit ce papier ».
- « Si vous l’avez écrit, dit calmement la grand-mère, c’est que vous aviez bien l’intention d’éveiller la curiosité de vos visiteurs. Et pourquoi faire cela si ce n’est pour que l’on vous vienne en aide ? Vous feriez bien mieux maintenant d’aller jusqu’au bout de votre histoire. Nous ne partirons pas avant. »
- « Bon, alors je continue », finit-il par dire, d’une voix qui maintenant est presque aimable. « Je dormais, je rêvais à la fortune qui m’attendait. Oh, je n’aurais pas fait de mal à la petite, vous savez. Mais je voulais être plus riche, toujours plus riche ! Et voilà que tout d’un coup je suis tiré de mon sommeil par une véritable armée. On se précipite sur moi, on me tient, on me tire, on me bâillonne, on me ligote !!! Il ne me reste que mes yeux pour voir, et je reconnais Hugo, et puis Albert Deschâteaux lui-même et son employé Georges, et puis un grand type très fort que j’avais déjà aperçu avec Georges et Mina au village. Je me dis que Jean Crétois n’est peut-être pas loin et que tout n’est pas perdu. Mais non ! On me dit qu’on l’a déjà arrêté et enfermé. Je suis fini !!!! »
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- « Tu es fini, voleur d’enfant ! » crie Albert.
Juste à ce moment, on entend des pas légers dans l’escalier. « Papa !! » C’est Amandine, délivrée par Mina et réveillée doucement par la gentille gouvernante, qui se précipite vers son père et saute dans ses bras. Puis elle se tourne vers Hugo et lui fait le plus beau des sourires.
- « Tu es mon brave chevalier » lui dit-elle.
Albert repose la fillette sur ses pieds et se tourne vers les hommes.
- « Georges, voyez donc si vous pouvez trouver un équipage pour raccompagner Mina et Amandine au château, puis filer chercher la maréchaussée. Nous devons mettre le bougre entre leurs mains ! Antoine et moi, nous allons attendre ici avec Hugo ».
L’attente est longue. Georges en effet, après avoir laissé sa femme et la fillette auprès de Madame Deschâteaux, a eu bien du mal à réveiller les gendarmes !!! Ceux-ci ont emmené le malfaiteur et l’ont mis au cachot. Puis ils sont revenus au château afin de récupérer Jean Crétois, le géant ! Lui aussi se retrouve en prison pour un bon bout de temps !
Chapitre IX
Le mauvais sort
Le lendemain matin, tout le monde se repose. On a invité à déjeuner au château Hugo, Antoine, Georges et Mina. Le repas est joyeux.
Madame Deschâteaux songe aussi à la petite promenade qu’elle va faire dans l’après-midi…
Après qu’on ait pris le café dans le salon, Amandine Rose va faire une sieste. Les événements de la nuit l’ont bien fatiguée… Elle et Hugo ont décidé d’être à partir de ce jour les meilleurs amis du monde. D’ailleurs, ils se verront souvent. En effet, Albert Deschâteaux a proposé à Hugo de travailler pour lui. Il vient d’ouvrir une scierie pour transformer en planches les arbres abattus dans les forêts qui entourent le château, et il a besoin de former un jeune apprenti. Plus tard, il pourra même devenir son associé. Hugo est fou de joie. C’est tellement mieux que de servir de domestique à un méchant homme !
Madame Deschâteaux annonce alors son intention de se rendre au village.
- « Tu as raison, lui dit son mari, cela te changera les idées ! Georges, peux-tu accompagner Madame ? »
Et les voilà partis. Mina les accompagne. Elle a besoin de faire aussi quelques courses. Madame Deschâteaux ne veut pas leur cacher la raison de cette promenade. Elle leur raconte donc ce qu’elle sait de l’histoire du « fantôme de la lune noire », et leur demande d’arrêter la calèche devant la vieille demeure de la tante Morène.
- « Nous vous attendons », promettent-ils.
C’est une bien vieille dame qui ouvre la porte. On lui donnerait cent ans ! Et il faut avouer qu’elle ressemble un peu à une sorcière avec ce gros bouton qu’elle a sur le nez et la moustache qui orne son menton. Mais ses yeux brillent, toujours aussi malicieux.
- « Adèle ! ma chère petite ! Quel plaisir de te voir ! Comment va ton cher Albert ? et la jolie petite Amandine Rose ? Rentre donc ! Viens boire mon délicieux sirop de baies de la forêt ! »
Adèle sourit. La vieille tante est toujours aussi bavarde ! Et elle fait toujours ce breuvage délicieux qu’elle adorait quand elle était jeune.
- « Dites-moi, ma tante…. Vous souvenez-vous de cette histoire que vous me racontiez, celle du « fantôme de la lune noire » ?
- « Et comment !!! C’est une bien vieille légende de ce pays! Elle raconte que certains mauvais bougres ont été un jour transformés en fantômes… jusqu’au jour où quelqu’un les a délivrés de ce mauvais sort. »
- « Mais ma tante, comment étaient-ils transformés en fantômes, le savez-vous ? »
- « Bien sûr ! … Il suffit de posséder le don ! Tu connais quelqu’un de mauvais qui mériterait de payer ainsi ses fautes ? »
- « Oh oui ! » dit Adèle qui raconta à sa vieille tante Morène ce qui était arrivé la veille et la nuit précédente.
- « Comment ? Cet homme a osé s’en prendre à Amandine Rose ? Le gredin. Ah, il va voir de quel bois se chauffe une vieille sorcière comme moi !! Rentre chez toi, ma chère Adèle. Tu auras bientôt des nouvelles de ce maudit Oscar ! »
En effet, quelques jours plus tard, on apprit que l’un des prisonniers, Oscar Hubin, avait mystérieusement disparu ! Pourtant, personne n’avait ouvert la porte de sa prison, et les barreaux de la fenêtre étaient toujours en place ! Seule une vieille femme, prétendant être sa vieille cousine, était venue lui parler à travers la grille de son cachot, puis était repartie. « C’est de la magie ! » disait le chef des gendarmes !
Adèle retourna voir sa tante Morène :
- « Qu’avez-vous donc fait ? » lui demanda-t-elle, fort curieuse.
- « Je lui ai proposé soit de rester en prison, soit d’en disparaître. Il a choisi de disparaître. Alors, j’ai utilisé mon pouvoir. Il est condamné à hanter sa propre maison jusqu’à ce que quelqu’un, ayant le même pouvoir que moi, puisse l’en délivrer !»
Chapitre X
La délivrance
- « Et depuis tout ce temps vous errez dans cette maison ? » demande la grand-mère. Les enfants sont sans voix… Les chats n’ont pas eu le courage d’attendre la fin de l‘histoire et sont partis dénicher quelques souris. Après tout, ce ne sont que des chats ! ».
- « Oui... ma prison, c’est ici, depuis que je suis un fantôme dans ma propre maison. Pendant toutes ces années, j’ai eu le temps de regretter mes erreurs, et j’attends celle qui pourra me délivrer du mauvais sort. Pardonnez-moi de vous avoir si mal accueillis, mais le temps m’a rendu de bien mauvaise humeur ! Et cette histoire de petit fantôme, c’était seulement pour éveiller votre curiosité et vous retenir un peu dans la maison !»
- « Vous aviez mérité d’être puni très sévèrement, répondit la vieille dame. Mais… vous avez assez payé pour votre faute ! Les enfants, laissez-nous un moment ! »
Les enfants sont étonnés. Leur grand-mère se comporte bien bizarrement avec ce fantôme. On dirait tout à coup qu’elle se prend pour la vieille tante Morène elle-même !
Ils ne croient pas si bien dire…
Que se passe-il maintenant dans le salon poussiéreux ? La fillette et son frère regardent autour d’eux. Les choses bizarres qui les ont entraînés dans cette histoire ont maintenant disparu. L’escalier, plein de toiles d’araignées et de poussière, est bien un vrai escalier. Et voici les cagibis que le fantôme a décrits :
- « Regarde, dit la fillette, c’est là qu’Hugo dormait ! … et puis voilà le placard où Amandine-Rose était enfermée ! »
Son frère monte à l’étage. La porte en face… c’est celle de la chambre d’Oscar ! Suivi de sa sœur, il entre. Rien ne doit avoir changé depuis qu’Oscar a été surpris ici, une fameuse nuit de pleine lune. Une petite porte est entrouverte, de l’autre côté de la pièce. Ils la franchissent. Il y a encore ici des rouleaux de tissu ! Mais la poussière et les mites leur ont donné une drôle d’allure…
- « Les enfants !! Qu’est-ce que vous fabriquez ? Cette maison est vraiment trop vieille et trop sale. Il nous faut continuer nos recherches !!!! »
- « Ah grand-mère, te voilà. Qu’est devenu le fantôme ? »
- « Un fantôme ? Vous avez vu un fantôme ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »
Les enfants regardent leur grand-mère : Heureusement, ils voient que ses yeux sont malicieux.
- « Alors comme cela, tu es magicienne toi aussi ? » demanda la fillette ? Tu as rendu sa liberté à ce fantôme ? Qu’est-il devenu alors ? Es-tu sûre qu’il ne pourra plus jamais faire de mal ? »
- « Ma petite, tu me poses trop de questions à la fois ! Oui, je suis un peu magicienne. Vois-tu, Amandine Rose et Hugo se sont mariés. Ils ont eu des enfants. Ma grand-mère était leur fille aînée. Comme la vieille tante Morène, comme Adèle, comme Amandine Rose, comme ma grand-mère, et comme toute les autres femmes de la famille, je possède le fameux pouvoir de délivrer de leur sort les « fantômes de la lune noire » ! Quand ils disparaissent, on ne les revoit jamais, et ils ne font plus de mal à personne. Et ils cessent d’être malheureux, une fois qu’ils ont payé leur faute.»
- « Mais alors, moi, grand-mère, j’ai peut-être aussi un pouvoir comme toi ? »
- « Sans doute, petite ! Mais les histoires de fantômes, j’ai l’impression que c’est fini de nos jours ! »
Après avoir récupéré la famille Chat, la grand-mère, le fils et la fille continuèrent leur chemin…
Fin